
Sénologie
La Sénologie - espace frontière entre la gynécologie et la chirurgie
Les débuts de la sénologie (spécialité médicale qui étudie les affections du sein)
Charles Marie Gros, professeur de radiologie à Strasbourg, proposa ce terme en 1963. Jusqu’à la fin les années 70, le domaine du sein n’appartenait ni aux chirurgiens, ni aux gynécologues. En Suisse, les premiers se profilaient en offrant un traitement conservateur du petit cancer du sein (chirurgie suivie de radiothérapie), étude initiée par le département de chirurgie de l’Université de Bâle. La réaction des gynécologues ne tardait pas, car ils ne voulaient pas perdre leur hégémonie dans le domaine du sein. Les écoles de Bâle et de Genève offraient rapidement des cursus de formation, à Genève sous le nom de Forum Suisse de Sénologie. On parlait souvent de multidisciplinarité; on conviait les autres spécialités intéressées aux réunions oncologiques post-opératoires, mais les maîtres de cette époque se réservaient toute décision thérapeutique, chirurgiens et gynécologues confondus.
La vraie interdisciplinarité se mettait en place dès qu’un diagnostic préopératoire sûr a été rendu possible. Les gynécologues, habituellement consultés en premier, réussissaient de garder le monopole. Pas étonnant que les chirurgiens ont finalement abandonné le domaine de la sénologie, au moins à Genève. Dès les années 2000, une vraie coopération avec les autres disciplines devenait une réalité. Cette évolution vers une collaboration ouverte et en toute confiance se faisait avant tout pour le bien des patientes, mais aussi pour l’entier du team thérapeutique. Rétrospéctivement, je suis fier d'avoir contribué à cette ouverture utile et enrichissante.
Ces quelques phrases plutôt anodines cachent des querelles et des méchancetés qui ne pourrissent pas seulement des sociétés de médecine, mais qui peuvent surgir partout où le pouvoir arrive à jouer le trouble-fête. Oh combien de fois, j’avais honte pour mes supérieurs qui n’arrivaient pas à se retenir. Le voisinage y est certainement pour quelque chose, car la peur de perdre son influence, et surtout son intérêt financier peut détériorer toute relation. Ces accès de colère mal placés me servaient de leçon et je me suis juré de faire autrement, c’est-à-dire de respecter mes interlocuteurs mêmes s’ils ne devaient pas partager mes opinions. Finalement, nous avons un but commun dans le rôle de soignant, que chacun doit respecter et accepter à poursuivre.
Parfois, ces agressions venaient de l’extérieur et l’entente dans le groupe servait de barrage efficace. Il fallait souvent défendre son territoire, mais il y avait la manière de le faire, sans le besoin de blesser l’autre. Dans mon livre LES ARBRES DU SALEVE RACONTENT LEURS HISTOIRES je propose une belle histoire qui parle du problème du voisinage et ses conséquences, LA DISPUTE.
UNE LETTRE
Janvier 2015
Cher Pierre,
Nous avons tous dû prendre note que pour tu as définitivement dit adieu à la SENOLOGIE ; il paraît qu’en 2014, tu as donné ton dernier cours aux étudiants en médecine, la vignette 3, UN BOULE DANS LE SEIN. On m’a dit que tu ne le regrette pas – ou tout de même un peu ?
Je viens de recevoir l’annonce de la mise en ligne de ton nouveau site – www.schaefer-surlafrontière. En exécutant ta proposition, j’ai fait le simple clic. Immédiatement, j’ai pu constater que ton web-master fourni du beau boulot. Un grand bravo pour lui ! Et puis, en parcourant le contenu, des souvenirs et des réflexions se sont imposés à moi que j’ai hâte de partager avec toi.
Un mot me frappe tout particulièrement du fait qu’il revient sans cesse, celui de la « frontière ». Tu lui attribues un espace dans lequel tu te donnes le droit de bouger librement. Cet espace te sert au même temps de protection. Je me rappelle que tu as rarement franchi cette « frontière », pour ne pas dire jamais, par exemple face à ton patron, FK. Ceci t’a permis de supporter ses excès fréquents et d’éviter des heurts avec des conséquences irréparables comme c’est arrivé à d’autres. Cette même frontière t’a facilité le contact avec tes patientes ce qui leur donnait le sentiment d’être respecté et de pouvoir se sentir en sécurité. De même, tu avais une relation très réservée avec le personnel et avec tes collègues, surtout collègues femmes ; tu ne permettais ni à toi et encore moins aux autres de transgresser les limites imposées.
Je pense aussi au plaisir que tu prenais pendant presque 20 ans à dessiner des femmes nues, et je découvre une nouvelle fois cette question de frontière. C’est toi-même qui parle du regard libéré sur le modèle et de la distance, qui isole l’artiste de son sujet. Et un jour, tu décides d’arrêter cette activité, juste avant que tu reviennes à la photographie qui va aboutir à la publication de tes deux livres. Mais avant ça, tu fais une exposition assez bizarre. Tu nous montre sous le titre LE CORPS ABSENT uniquement des croquis de têtes de tes modèles, tu t’inventes une nouvelle frontière comme si tu voulais encore plus rétrécir ton espace de liberté.
Il t’arrivait de t’attaquer à des sujets perdus d’avance comme de parler à la Maternité de l’identité masculine, c’était juste quelques mois après ton départ. J’avais le sentiment que ton but était plus la provocation que la mise en question. Mais le 6 décembre 2007, j’ai dû réviser mes préjugés : ta vidéo LE CRI des douze hommes filmés torse nu qui crient, avec laquelle tu avais ouvert les débats le samedi matin à l’amphithéâtre de la Maternité nous a, à la mesure des réactions de l’assistance, tous surpris. J’ai immédiatement compris que tu défendais cette fois les hommes, et que tu voulais ouvrir la « frontière », respectivement la prison, dans lequel l’homme s’était enfermé face à la femme qui, elle, a su très tôt définir son rôle, ses ambitions et ses valeurs. Je crois, il y avait un lien direct avec ta propre personne. D’ailleurs, plus tard tu m’as confié que cet exercice t’avait fait prendre conscience de ton besoin d’ouverture, aussi face aux hommes. Et tu as crié avec eux ! Car pour toi, notre société avait (et a encore) un besoin urgent de réfléchir à la position de l’homme dans une structure sociale en mouvement.
Ta sculpture « Än rechte Ma muess i d’Hose iewachse » exposée dans le hall d’entrée de la Maternité en août 2010 à l’occasion de l’exposition d’Ueli Alder m’a confirmé que tu n’étais toujours pas en paix avec l’identité masculine. Pendant la même période, tu photographiais les 10 couples qui sont réunis dans ton livre SURPRENDRE LE REGARD.
Je te sentais fasciné par le regard relationnel, respectivement possessionnel. C’est certainement la façon dont tu parlais de ton projet qui t’a ouvert la porte de l’éditeur de Labor et Fides et assuré la collaboration de plusieurs spécialistes en la matière. Le dernier acte était la mise en scène du scénario, cette fois en pleine nature sous la forme d’une installation interactive au fond du Val de Morgins dans le cadre de l’EFA (Eau fils de l’Art) où tu invitais les couples qui s’y promenaient à refaire l’expérience.
En 2014, tu nous as offert un très beau livre, LES ARBRES DU SALEVE RACONTNENT LEURS HISTOIRES. Inspiré par des photos d’arbres prises au cours des années lors te tes promenades au Salève, tu as écrit 29 histoires, des contes, pour enfants, mais aussi pour adultes, et des réflexions sur les menaces qui pèsent sur la nature et notre responsabilité de la conserver. Tu as parfaitement raison, pour défendre notre terre il faut d’abord apprendre à la connaître en allant à sa découverte. En citant Jean-Jacques Rousseau, tu nous rappelles, « n’apprenons pas la science, mais l’inventons, si nous ne voulons pas devenir le jouet de l’opinion des autres ».
J’ai assisté toujours avec plaisir aux vernissages des expositions au FUTUR ANTERIEUR, ton lieu d’exposition pendant plusieurs années sur le site des HUG. Je te sentais dans ton élément ; tu as géré cet endroit situé à l’ombre de la Maternité avec amour et générosité et je n’oublierai jamais les moments de partage avec toi, Béatrice et les artistes.
Tu as terminé le cycle des expositions avec EXISTER, ton projet qui te tenait beaucoup à coeur. Dans mes yeux, il y a deux raison pour le choix du titre. Il s’agissait pour toi de défendre la nature, mais j’ai ressenti également ton propre besoin d’exister. Avec toutes tes activités énumérées, il me paraît qu’il n’y a pas de raison de douter si tu existes ; peu de retraités arrivent comme toi à gérer tant de projets différents. Ta femme Béatrice est certainement l’un des moteurs qui te fait avancer. Je te dis simplement, continue et prends ton pied !
Amicalement
Encore moi
RSBA
Grâce à ma curiosité, j’ai pu apporter en 1988 la preuve que cette maladie qui touche avant tout des jeunes femmes et qui est 10 fois moins fréquente que le cancer du sein est étroitement liée à l’abus de tabac.
Dans un délai de quelques semaines, trois jeunes femmes se sont présentées à ma consultation avec un abcès du sein non puerpéral (hors grossesse). À chaque fois, j’étais frappé par l’odeur de tabac de l’enveloppe en carton contenant les mammographies apportées par la patiente. En reprenant les 60 dossiers consécutifs concernant des abcès du sein hors grossesse observés à la policlinique de gynécologie, on notait 54 fumeuses. Toutes les 17 patientes avec une fistule présentaient une consommation de plus de 20 cigarettes par jour. L’analyse statistique multifactorielle comprenant 300 cas contrôle permettait d’établir un facteur de risque pour les femmes fumeuses de 26 fois plus élevé par rapport aux non-fumeuses. Ce facteur de risque élevé désigne clairement la cigarette comme le facteur déclenchant de cette maladie.
International Journal of Epidemiology, vol 17, No 4 : 810-813 ; 1988

Photo abcès aigu et récidivant du sein non-puerpéral ( sous RSBA )