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Art à l'Hopital

Les HCUG -  une FRONTIERE pour L’ART ?

 

Comme curateur d’expositions d’art contemporain dans le cadre des Affaires culturelles des Hôpitaux universitaires de Genève j’ai ressenti à reprise que la porte de l’hôpital constitue une vraie barrière pour la population – comme si cette frontière ne se franchit qu’en nécessité absolue.

 

Une première expérience était l’exposition en 2000, COURS LIBRES – REGARDS LIBERES. Pour cet accrochage, j’avais invité les participants des cours libres de dessin académique des écoles d’art de Genève. Le nom de l’exposition était pour moi, gynécologue, très important, car le modèle est finalement là pour être regardé pleinement et ce regard est bien différent de celui du médecin sur sa patiente. Trop souvent, le sein malade d'une consultante se réduit aujourd'hui à un objet qu'il faut examiner au plus vite avec des machines; les yeux et les mains ont de moins de moins de raison de s'attarder sur l'organe malade. Si cette exposition avait un franc succès, c’était peut-être du fait que le regard sur un corps nu peut déranger les un que stimuler les autres, mais son succès était plutôt à attribuer au fait que nous étions nombreux à exposer !

 

Dans ma salle d'examen, je tenais beaucoup aux trois oeuvres d'art accrochées dont celui-ci pour encourager la patiente à se mettre torse nu pour l'examen des seins.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Deuxième expérience : EN AVOIR OU PAS – une exposition organisée en collaboration avec la Haute Ecole d’Art et du Design. En 2003, les anciennes policliniques de gynécologie nous invitaient, avant leur démolition, à réfléchir à la situation de la femme dans la société d’aujourd’hui. Cette partie de l'hôpital était sans doute pour un grand nombre d'habitantes de notre canton un lieu chargé d'émotions et lié à des souvenirs d'un registre très divergent. Les 28 jeunes artistes engagés à exposer créaient une telle ambiance que personne ne croyait réellement se trouver dans un hôpital comme si cette frontière s'était effacée. Avec son ouverture sur le boulevard de la Cluse l’accès dans la bâtisse peinte en rose ne signifiait nullement qu’on entrait dans l’hôpital. Particulièrement le jour du vernissage, le brassage intense d’artistes, de patientes, du personnel et des habitants du quartier nous a surpris ; pour toute une génération d’étudiants en art, EN AVOIR OU PAS restera « leur » exposition à l’hôpital.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Troisième expérience : LE FUTUR ANTERIEUR

Le nom fait appel à un espace d’une durée de vie limitée qui se situe entre le présent et le futur. L’ancien lieu du stockage des sources radioactives pour la curiethérapie se muait en 2007 en un lieu temporaire d’expositions in vitro. Se trouvant en limite des bâtiments de la Maternité, ce local était libre d’accès depuis la rue, d’où l’espérance de créer un lieu de rencontre entre la population du quartier de la Roseraie et les acteurs hospitaliers. Après quatre ans d’effort, cet espace avait accueilli 18 artistes qui signaient des accrochages de qualité et très variés, mais l’intérêt des habitants du quartier restait minime, sinon nul. La démolition du lieu date de janvier 2014. Un grand merci à tous les artistes qui ont participé à cette aventure, et quelle aventure !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Vers l’ancien site www.lefuturanterieur.ch

 

L’hôpital est-il vraiment un « espace frontière » tant pour l’artiste que pour le public ? 

 

La démarche de l’artiste sera-t-elle différente, forcément adaptée aux lieux, ou sa liberté sera-t-elle limitée par des contraintes spécifiques, et, si oui, pour quelles raisons ?

Quelles sont les réactions du public aux différents accrochages, en particulier de la part des patientes et du personnel ?

 

J’essaie de répondre à ces 3 questions basées sur mon expérience tirée des 25 expositions d’art contemporain à la Maternité entre 1997 et 2005:

 

Dès que j’ai eu la chance de disposer du grand hall tout neuf de la future entrée de la nouvelle Maternité,  et encouragé par René Baud des affaires culturelles des HUG, j’ai organisé une première exposition temporaire. Le vernissage a eu lieu encore la même année, le 9 décembre 1997 en réunissant pour cette première « Rencontre à la Maternité » les sculpteurs Françoise Jaquet et Etienne Krähenbühl.

 

Voici l’ensemble des artistes qui ont exposé dans ces lieux pendant cette période de 9 ans. Ils sont regroupés en 3 cycles différents :

 

- Couples (dans le travail ou aussi dans la vie)

- Générations (différence d’âge de 25 ans entre les deux artistes exposés)

- Autres artistes, hors de ces deux cycles

 

1. Couples :

2. Générations :

3. Autres artistes (hors des 2 cycles) :

1997

1998

1999

1999

1999

2000

2000

2002

2002

Françoise Jaquet et Etienne Krähenbühl

Axel Ernst et Catherine Ernst

Paola Junqueira et Stéphane Ducret

Aliska Lahusen et Manuel Torres

Danièle Bove et Vincent Du Bois

Viviane Renaud et Mauro Ingrami

L.Dominique Fontana et J.Y.Geisel

Régine Raphoz et Marc Polée

Claire Guanella et Laurent de Pury

2003

2003

2004

2004

2004

2004

2005

2005

Caroline Hofer et José Giger

Julie Brand et Gilbert Mazliah

Ingrid Käser, Katrin Hotz et Ueli Berger

Morena Cianni et une classe d’enfants

Roxane Fornerod et Ronald Fornerod

Madeleine Spierer et Gene Mann

Harald Naegeli et Joule

Uta Richter et Jo Fontaine

2000

2000

2000

2002

2003

2003

2004

2005

Etudiants HEAA  Flamme postale

Artistes des cours académiques HEAA

Travaux de la Cellule pédagogique du MAMCO (photo)

Céramistes de la HEAA

Viviane Renaud avec des enfants LES GEANTS (photo)

EN AVOIR OU PAS avec la HEAD-Genève

Artistes de l’atelier de gravure de Genève

Pierre Schaefer (voir WORKS)

Tous les artistes étaient très sensibles à cette opportunité de pouvoir exposer dans le cadre de la Maternité. Pour la majeure partie, essentiellement pour les hommes, c’était en premier lieu une possibilité de « tester »  leurs oeuvres dans un nouvel environnement  sans tenir toujours compte de sa signification. Une des exceptions était signée Vincent Du Bois : 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Comme Danièle Bove, plusieurs femmes artistes entraient en résonance avec l’environnement, dont Françoise Jaquet avec ses « Pièges », Paola Junqueira avec sa vidéo et Aliska Lahusen avec ses volumes noirs remplis d’eau. 

L’ensemble des intervenants a réussi à donner au lieu leur empreinte sans heurter le public, à deux exceptions prêtes : les très grands tableaux représentant des murs de Stéphane Ducret laissaient le public perplexes, dont un jour plusieurs médecins qui se sont excités sur la signification d’un tel accrochage, et Joule, le grapheur genevois qui a organisé un vrai petit festival hip-hop dans la salle pour le finissage de son exposition.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Pour varier les sujets des expositions, j'ai solicité pour exposer à plusieurs reprises des enfants ou des classes d'écoles: 1998 La Roseraie, 2000 La Cellule pédagogique du MAMCO (photo à gauche ci-dessous), 2003 Geants dans la Ville avec Viviane Renaud (2ème photo à gauhe ci-dessous), 2005 La Relation avec Morena Cianni, 2008 3 classes de la Roseraie.

 

En septembre 1999, j’ai proposé à Manuel Torres d’installer une de ses sculptures dans la cour intérieure de la policlinique, située juste derrière le grand mur blanc du hall d’entrée. L’artiste s’est montré tout de suite enthousiaste. Le jour du vernissage de Manuel Torres et d’Aliska Lahusen, la sculpture La Maternité trouvait sa place. Elle n’était visible que depuis quelques places de travail et elle allait y rester jusqu’en 2007, au milieu d’une jungle ! Dépenses inutiles, diriez-vous ? Peut-être, mais cette présence était porteuse d’un signal fort : on venait d’offrir une demeure à l’art au cœur de la Maternité !

 

Il a réussi une installation spectaculaire ; son projet mobilisait plusieurs métiers et demandait même l’intervention de l’ingénieur responsable de la nouvelle Maternité. Ils s’obstinaient à suspendre, à 30 centimètres du sol, deux blocs de granite aux structures en acier du bâtiment. La beauté de l’ensemble créait une sensation extrêmement forte, avec, au mur, les photos (à l’échelle) de nombrils de femmes, âgées de quelques semaines jusqu’à 70 ans, œuvre de Danièle Bove, accrochées comme par hasard. Le public restait plutôt perplexe et silencieux face à ce spectacle. La présence de cette installation dans un hôpital ne pouvait qu’évoquer la naissance et la mort, parcours inévitable et partagé par tous.

L’art en général, et encore bien plus l’art sur la voie publique, comme dans ce hall de passage à l’hôpital, doit obéir à certaines règles, s’il veut attirer le regard du passant. L’artiste s’adresse à des individus, qui n’ont que rarement un regard académique ; l’appréciation individuelle est bien plus souvent influencée par l’éducation, l’expérience personnelle et l’état d’âme du moment, ou encore par des clichés et par la mode.

L’art sous forme d’une installation sur la voie publique doit interpeller le plus grand nombre de passants. Sa visibilité, mais aussi sa lecture doivent être aisées.

On ne se trouve plus dans la condition du « WHITE CUBE », dans lequel le visiteur décide d’entrer, soit par curiosité, soit par le désir de voir. Au contraire, nous construisons un signal dont nous espérons qu’il est remarqué, et, si possible, qu’il induise une réflexion ou une réaction. Pour réussir cette finalité recherchée par un tel dispositif artistique sur la voie publique, l’artiste doit, avant toute démarche, étudier le public « cible » et les forces du lieu. Sous WORKS, se trouve mon installation HIER, AUJOURD’HUI, DEMAIN comme exemple pratique.  L’effort de présenter de l’art dans ces lieux a été récompensé surtout le jour quand il n’y avait rien à voir. La réaction des patientes a été vive : « Vous ne faites plus d’expositions à la Maternité ? » Ceci m’a définitivement convaincu de la nécessité d’offrir aux malades, aux visiteurs et au personnel cette vitrine incarnée par la présence d’art dans notre hôpital.

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