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LA VIE - QUELLE SORTIE?

Réflexions autour du décès de ma femme le 27 janvier 2022: Sa vie - sa sortie bien réfléchie sur la base de son expérience, ayant évoluée pendant 40 avec les buts d’EXIT. Je parle aussi des répercussions sur les proches qui restent et qui doivent faire avec. Je transmettrai mes pensées et mes convictions et parlerai aussi librement que possible comment j’ai vécu cette première année après son départ.

1. Le faire-part publié dans 3 journaux: La Tribune, Le Nouvelliste et Le Temps.

2. Au lendemain du son départ: récit de la journée du 27.01.2022

Au lendemain du départ volontaire de Béatrice, co-fondatrice d’EXIT Suisse Romande

 

Ce jeudi matin du 27 janvier 2022, nous étions tous réunies autour du lit de Béatrice. Allongée, les yeux fermés, elle nous faisait comprendre qu’elle n’avait pas ou plus envie de parler. Elle avait pris sa décision ! L’infirmière préparait la perfusion. Pas étonnant qu’il lui fallait trois fois recommencer pour trouver une veine. Son frère Raphy venait de nous quitter pendant ce temps.

Le binôme de Béatrice lors des accompagnements pendant les derniers mois, l’ancien professeur de Pathologie, semblait être gêné, mais pas les autres, le Vice-président d’Exit, médecin interniste à la retraite et l’ancienne Présidente de l’organisation EXIT Deutsche Schweiz. L’accompagnatrice que Béatrice avait choisie il y a déjà plusieurs mois, s’occupait de ranger sur un petit plateau les derniers préparatifs et ajoutait le médicament létal dans la perfusion. Puis elle s’adressait à moi. Elle sentait que je voulais embrasser ma femme une dernière fois – comme s’est dur de dire au revoir ! Je la regardais pendant de longs moments, les yeux dans les yeux, pour la rassurer, que nous avons pris la bonne décision, ensemble. L’accompagnatrice demandait à Béatrice une dernière fois si elle voulait toujours mourir. Avec une voix ferme et décidée, elle répondait « oui » et elle a ouvert elle-même la perfusion.

 

La mort est survenue dans quelques secondes.

 

Un long moment de silence s’abattait sur nous. Heureusement, Béatrice et moi avions beaucoup parlé de ce moment. Nos longues discussions m’ont permis d’être préparé. Elle ne voulait plus se réveiller lors d’un quatrième œdème aigu des poumons. Mais, aujourd’hui c’était une insuffisance rénale qui la menaçait depuis quelques jours. Son dossier avait été accepté déjà il y a plus d’un an par l’Association EXIT ce qui permettait d’agir vite, car un coma urémique pouvait la priver de son discernement. 

 

D’un coup, je me sentais totalement vidé. Les dernières trois nuits étaient pénibles. Dès que je baissais le soir la lumière pour dormir un peu, Béatrice me suppliait de l’aider pour aller aux toilettes, et le vas et viens ne s’arrêtait jamais. Pour la dernière nuit, je lui avais fait avaler un somnifère. Le matin, au réveil, l’envie m’avait pris de laver Béatrice, couchée sur le lit, de la tête jusqu’au pied, pour lui offrir un sentiment de fraicheur et de propreté, puis elle mettait son pyjama préféré. 

 

Les trois experts d’EXIT quittaient la chambre à coucher pour attendre la police et la médecin légiste au rez-de-chaussée. Ils sont finalement arrivés très vite. Moi je restais encore quelques minutes avec Sabina, l’accompagnatrice, mais nous restions presque silencieux à côté du corps de Béatrice, puis elle me demandait de rejoindre les autres au salon, car elle voulait la préparer pour le transport. Peu après, les Pompes funèbres ont investi les lieux pour embarquer le corps, destination crématoire. J’ai choisi ces mots assez crus, du fait qu’on sentait une profonde routine dans leurs gestes. Une fois le silence restauré, on se regardait sans trouver immédiatement les mots justes et nécessaires après ce qui venait de se passer en fin de cette matinée.

 

Nous avions peut-être tous souhaité un départ différent, même festif, mais dans nos pensées, nous étions confiants, car Béatrice s’était bien préparée pour son passage ultime. Une fois tout seul avec Sabina, elle me demandait si je désirais qu’elle reste encore un moment. C’est ainsi que nous avons partagé à nous deux une partie du repas que j’avais prévu pour tout-le-monde. Je me suis rendu compte que Sabina ne connaissait que peu la vie de Béatrice. 

 

J’avoue, j’étais soulagé de pouvoir échanger avec elle sur ce qu’il venait de se passer.

Elle comprenait, que, tant pour moi, que pour sa famille, tout était allé un peu trop vite. Moi, j’étais content, que Béatrice a pu partir calmement et en paix, en accomplissant sa trajectoire avec EXIT. Elle ne voulait pas manquer ce passage après avoir milité pendant 40 ans pour le libre choix de sa mort pour tous. J’avais bien vu son désespoir face à la dégringolade de sa santé. Après chaque hospitalisation, il fallait l’aider à remonter la pente, chaque fois avec plus de peine et avec moins de succès. Il était dur pour moi d’observer ce déclin de ses forces. Mais elle ne se laissait pas aller. Une chose était essentielle pour elle, rester belle jusqu’au dernier souffle, mais une fois morte, son vœu était de disparaître, en laissant uniquement l’image d’une battante. Sabina m’avouait d’avoir le même regard sur la vie et la mort.

 

Pour Béatrice, l’existence a été une soif perpétuelle d’embrasser plein de défis qu’elle s’imposait déjà très jeune : après avoir loupé la matu à cause de Dames Blanches à Sion, la réussir une année plus tard à Genève, commencer les études de médecine après l’âge de trente ans, puis officier comme ORL aux HUG et au même temps à la prison de Champ-Dollon, faire partie des quelques personnes qui ont créé en 1982 l’association EXIT, dont elle  était la Vice-présidente et la porte-parole de 1983 à 1993, Conseillère municipale verte au début des années 2000 à Veyrier et enfin le retour vers EXIT comme médecin préscripteur et accompagnatrice. 

 

Visiblement, Sabina avait envie de changer de thème. « Et la musique ? » Dès âge de 50 ans, son temps libre était surtout dédié à la musique, son rêve d’adolescente brisé par l’autorité paternelle. Cette activité occupait une place importante jusqu’à la fin de sa vie. Elle s’est produite sur de nombreuses scènes Suisses romandes, d’abord comme la Toubib chanteuse de jazz, puis, ayant découvert la musique électronique, comme la Mamie de l’électro, rédigeant ses propres textes poétiques et souvent provocateurs. « Et toi ? » J’avais partagé cette vie de saltimbanque avec un certain plaisir : porter le matériel, préparer des affiches, faire des photos d’elle en action et des vidéos pour son deuxième CD.

C’était le moment pour jeter un coup d’œil à son atelier et d’écouter quelques de ses chansons.

 

Ensemble nous avions créé en 2003 la Fondation Bea pour Jeunes Artistes, actif en Suisse romande. Elle a comme but de stimuler la créativité et la maîtrise des outils professionnels ; aujourd’hui ils sont plus de 450 jeunes créateurs qui ont trouvé une aide au début de leur carrière. Cette activité nous a remplacé largement ce qui allait s’arrêté avec notre départ définitif de l’hôpital - le contact avec la nouvelle génération. En 2015, Béatrice avait apporté le financement décisif pour la réalisation de la salle de musique du PORT FRANC de Sion, geste qui lui avait offert beaucoup de satisfaction et un retour dans sa ville natale ; elle n’a jamais regretté ce geste généreux. La liste de ses activités annexes restait longue et diversifiée jusqu’il y a peu. 

 

Sabina me demandait si j’allais continuer l’activité de notre fondation. « Oui, bien sûr, elle existera aussi longtemps que j’ai la force et la tête pour assurer sa gouvernance. »

En parlant de la vie de Béatrice, je me rendais compte qu’elle chance j’ai eu de partager ma vie avec elle. Dans le tels moments, il faut laisser remonter, à part des larmes, les beaux 

Souvenirs, mais aussi les situations qui nous ont pu faire de la peine.

 

Après quelques téléphones avec ma famille et celle de son frère, je suis remonté à l’étage.

Je ne sais plus comment j’ai trouvé le courage de plier les draps de son lit et les fours de duvet. J’ai recouvert son lit avec une couverture que je trouvais dans une des armoires. En faisant ces gestes, je pensais aux lendemains qui m’attendaient, mais pas uniquement : notre vie commune venait de prendre fin, mais elle restera présente partout dans la maison, dans la salle de bain, dans la chambre à coucher, dans son atelier. Je me croyais préparé à affronter ce vide, mais j’éclatais en larmes, enfin, et j’ai pleuré pendant un bon moment.  Malgré de tous les devoirs qui m’attendaient au lendemain, j’ai trouvé le sommeil, exténué.

 

Le lendemain, je me suis réveillé très tôt : il fallait envoyer les annonces du décès aux trois journaux choisis : la Tribune de Genève, le Nouvelliste et Le Temps. Le texte a été rédigé déjà depuis un moment ; il fallait uniquement l’adapter aux règles de chaque quotidien et décider quelle photo envoyer. J’ai choisi celle datant de sa plus belle période sur scène, qui transmettait à elle toute seule l’ensemble des attraits de Béatrice. Toutes les annonces sortaient déjà le samedi. Et surprise, en feuilletant le Nouvelliste, j’ai découvert à la page trois un tout bel hommage pour Béatrice, rédigé par Alexandre Beney, avec, en arrière-plan, le totem de la Salle de musique du Port Franc. Merci, Alexandre ! 

 

J’ai averti la BCGE et la BCVs du décès de Béa- car il fallait bloquer les comptes, ceci d’autant plus, que je n’arrivais pas mettre la main sur les cartes de crédit, toutes regroupées dans un seul étui.

Je les ai cherchées partout, particulièrement dans les poches des manteaux et des vestes, surtout dans le vestiaire face aux toilettes du rez-de-chaussée, où elles les cachaient. Un moment de panique m’a pris ; j’ai fait un deuxième tour dans toute la maison. Toujours rien ! Peut-être, il fallait les chercher à Morgins ? Je sentais une forte envie de fermer la maison pour un ou deux jours et de retourner au mayen, notre refuge depuis 1978. Cet endroit rêvé en pleine nature devait me permettre d’être plus aisément en pensée avec Béatrice - elle me manquera pour toujours !

 

En arrivant au chalet le 29 janvier, sous un soleil chaleureux, Minou, notre chat qui habite la grange depuis bientôt 6 ans, m’a rejoint en miaulant. Il est remonté à côté de moi vers la porte de la cuisine. D’un coup, il m’a regardé et il est redescendu au coin du chalet pour voir arriver Béatrice, mais elle ne venait pas. Il avait un regard étonné ; je crois qu’il partageait ma tristesse et mes larmes.

 

De retour du mayen, une période difficile commençait pour moi. Comme premier geste,

J’ai jeté tous les médicaments de Béa - 1sac ½ de 65 litres ! Pendant tout ce temps, je réfléchissais à la Fête de mémoire que j’avais promise à Béa et à mon envie de l’organiser. Ces préparatifs me permettaient d’éloigner les pensées tristes qui me traversaient par vagues. Je voyais une belle fête au jardin et dans toute la maison. Ainsi je restais en contact avec les amis qui m’avaient fait part de leur tristesse suite au décès de Béatrice. Je pensais d’en n’inviter pas plus de 50, car il fallait s’organiser aussi pour le cas de pluie. Je me suis retrouvé le 11 juin 2022 avec plus de cent convives ! Le couvert des voitures transformé en carnotzet avec 4 grandes tables et 8 bancs loués à la Commune de Veyrier pour servir la raclette, devant l’atelier une tente de 6 m fois 3 m comme abris, mais aussi pour accéder aux desserts et au sous-sol, le cinéma, pour projeter les plus belles vidéos de Béatrice, la Toubib chanteuse, respectivement la Mamie de l’électro. Ce système de 3 groupes s’est avéré très efficace et permettait de garder en mouvement l’ensemble des visiteurs. 

 

Ils sont arrivés à l’heure pour l’apéro. Comme le temps se montrait de son plus beau côté, l’hommage pour Béatrice, médecin et musicienne, débutait avec un concert d’un quartet de cors des Alpes devant son atelier, la baie vitrée largement ouverte avec vue sur sa batterie orpheline. C’était le moment attendu que je dise quelques mots, complétés par une intervention très touchant de Jean-Paul Felley. Suivaient les explications concernant le déroulement de la soirée. Deux performances devaient avoir lieu après le repas, un duo des profs – Nicolas et Pascal (musique électronique et cor des Alpes) et en fin de soirée, ouverture de la deuxième scène côté salon, pour laisser la place au duo Mich-Line - FroggyPop. Un grand merci à tous les bénévoles, qui ont assuré que chacun avait à boire et à manger.

 

Il était important que cette fête ait eu lieu, car au mois de janvier, il y avait encore les restrictions sanitaires à cause du Covid. Cette réunion permettait à toutes et tous ses ami-e-s de rendre un dernier hommage à Béatrice et ceci sur son terrain de jeu. Je suis persuadé que l’ensemble des invités ont quitté la maison, chemin des Bouvreuils 11, avec les plus beaux souvenirs.

 

Epilogue :

 

Dans le Bulletin des Médecins Suisses du 17 août 2022 (No 32 -33, page 1075) on a pu lire un interview du Prof Paul Hoff, l’actuel Président de la Commission Centrale d’Ethique, ASSM, sous le titre « Nous voulons promouvoir la sensibilité éthique auprès des médecins » par le rédacteur en chef du journal. Une phrase de Paul Hoff m’a particulièrement choqué :

 

« L’assistance au suicide peut se justifier d’un point de vue éthique lorsque les possibilités de traitement ont été épuisées. »

 

J’ai répondu par un courrier à la rédaction, paru dans le Bulletin No 38, 2022.

 

« Cette phrase demande une clarification :

Elle signifie que l’acharnement thérapeutique a toujours ses adeptes. Elle signifie, que tout demandeur d’une aide à mourir devrait patienter jusqu’à ce que les médecins aient utilisé leur dernière cartouche thérapeutique ! Un être humain gravement malade ne semble pas avoir le droit de dire « Stop ». Il est exposé à la merci des médecins, respectivement à l’éthique édictée par le pouvoir médical. Ne risque-t-il pas de subir contre son gré l’ensemble de l’arsenal des traitements possibles avant d’avoir le droit de mourir ?

Heureusement, « le code de déontologie de la FMH n’est pas une loi, mais une valeur normative pour le corps médical » qu’elle s’impose à elle-même. Mais est-il éthique de torturer un être humain avec des traitements qu’il refuse ? Les directives anticipées formulées par le patient n’auraient-elles alors plus de valeur ? Si le corps médical insiste sur son code d’éthique, il ne lui restera que la solution de se laisser mourir ou d’avoir recours à un suicide violent ? Beaucoup de médecins acceptent dans ces circonstances de revoir leur plan thérapeutique. Ils comprennent le désir profond du patient de mourir et ils agissent à contrecourant à l’éthique médical édictée par la FMH : ils annoncent leur patient à une association d’aide au suicide et ils acceptent souvent de faire l’ordonnance pour le produit létal.

La législation Suisse assure à tout citoyen cette ultime liberté si les critères suivants sont respectés :

- la personne doit posséder son discernement

- s’administrer lui-même la dose létale

- l’aidant ne doit pas avoir un mobile égoïste. »

 

Revenons à Béatrice : À l’âge de 84 ans, 3 jours avant de son départ, on lui avait diagnostiqué une insuffisance rénale sévère récente. On aurait pu envisager une dialyse péritonéale, qui est chargée d’un risque infectieux non-négligeable et d’un succès plutôt limité. Le retardement aurait probablement entrainé la perte de son discernement et par là l’impossibilité de pouvoir accéder à une aide au suicide. La dialyse aurait uniquement prolongé son agonie.

 

…si chère à l’Eglise catholique !

3. Carte de souvenir

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

4. La Fête de souvenir du 11 juin 2022

Allocution le jour de la Fête de Souvenir de Béatrice

 

Béatrice, rebelle jusqu’au dernier jour ! Tu nous a quitté le 27 janvier 2022. Toujours combative, tu chantais encore en 20123 dans le refrain de ta chanson Le Chemin :

 

Vieillir semble souvent n’être qu’un naufrage,

Il faut le prendre comme un jeu.

Il y a encore à écrire bien des pages.

 

Après ton premier œdème aigu des poumons en 2014, tu craignais jour et nuit de faire une rechute avec un nouveau séjour à l’hôpital. Même si dans un premier temps ces rechutes se laissaient attendre, tu en a fais deux par la suite, en 2019 et 2020, chaque fois avec un retour à l’hôpital.

 

Dans un de tes derniers slam donné au Chat Noir en 2020, ton discours venait de changer :

 

On appelle ça adieu jeunesse

Fini les folles soirées

Où l’on se gavait d’ivresse

Au nom de la liberté

On appelle ça adieu jeunesse

On appelle ça des souvenirs

Bons, mais aussi mauvais

On n’a vraiment plus d’avenir 

C’est le moment de tout quitter….

 

Dans cet esprit, tu faisais la démarche auprès d’EXIT, décidée de préparer ton dossier pour partir, soutenue par ta médecin et, je tiens à la souligner, aussi de ma part. Je voyais bien ton désespoir face à la dégringolade de ta santé. Après chaque hospitalisation, il fallait t’aider à remonter la pente, chaque fois avec plus de peine et moins de succès. Il était dur pour moi de constater ce déclin de tes forces. Mais tu ne te laissais pas aller et nous avons même encore passé deux belles journées au mayen au début de l’année, les 15 et 16 janvier.

 

Pour toi, il était important de rester belle jusqu’au dernier souffle, mais une fois morte, ton vœu était de disparaître, en laissant uniquement l’image d’une battante, comme sur la photo prise encore fin novembre 2021, ici devant ton atelier.

 

Hélas, ton départ s’est précipité à cause d’une insuffisance rénale aiguë qui te faisait craindre de perdre ta capacité de discernement, nécessaire pour partir avec EXIT. Pour moi, mais aussi pour ton entourage, tout allait un peu trop vite. Tu t’en es allée calmement et en paix, en accomplissant ta trajectoire avec EXIT, car tu ne voulais pas manquer ce passage après avoir milité pendant 40 ans pour le libre choix de asa mort pour tous.

 

Ton existence était pour toi une soif perpétuelle d’embrasser plein de défis que tu t’imposais déjà très jeune : après avoir loupé ta matu à cause des Dames Blanches à Sion, la réussir une année plus tard à Genève, commencer les études de médecine après l’âge de 30 ans, puis officier comme ORL aux HUG et au même temps à la prison de Champ-Dollon, faire partie des quelques personnes qui ont créé en 1982 l’association EXIT, dont tu étais la Vice-présidente et la porte-parole de 1983 à 1993, conseillère municipale verte au début des années 2000 à Veyrier et enfin le retour vers EXIT comme médecine préscripteur et accompagnatrice.

 

Dès l’âge de 50 ans, ton temps libre était dédié à la musique, ton rêve d’adolescente brisé par l’autorité paternelle. Cette activité prenait une place importante jusqu’à la fin de ta vie. Tu t’es produite sur de nombreuses scènes Suisse romandes, d’abord comme la Toubib chanteuse de jazz, puis, ayant découvert la musique électronique, comme la Mamie de l’électro, rédigeant tes propres textes poétiques et souvent provocateurs. Nous nous sommes beaucoup amusés en tournant des clips qui devaient accompagner ta présence sur scène. Les meilleurs extraits sont projetés ce soir au sous-sol dans mon atelier.

 

Ensemble nous avons créé en 2003 la Fondation Bea pour Jeunes Artistes, active en Suisse romande qui a comme but de stimule la créativité et la maîtrise des outils professionnels ; aujourd’hui ils sont plus de 450 jeunes créateurs qui ont trouvé une aide au début de leur carrière. En 2015, tu as apporté le financement décisif pour la réalisation de la salle de musique du PORT FRANC de Sion. La liste de tes activités annexes était longue et diversifiée jusqu’il y a peu.

 

En préparant ces quelques mots, je me suis rendu compte qu’elle chance j’ai eu de partager ma vie avec toi. Dans de tels moments, il faut laisser remonter, à part des larmes, tous les beaux souvenir, mais aussi les situations qui nous ont pu faire de la peine.

 

Aujourd’hui, c’est au mayen au-dessus de Troistorrents, où je me sens le plus de toi, mais c’est aussi là-haut, où tu me manques le plus. Pendant 44 ans, nous avons partagé cet endroit de rêve, en pleine nature. Pour quelques amis, ce lieu est devenu presque un but de pèlerinage, un autre monde, face aux Dents-du-Midi. C’est aussi ici, à ta demande que tes cendres ont retrouvé les éléments qui nous constituent toutes et tous depuis toujours.

 

Rebelle, je suis une rebelle

Ne pas emprunter les chemins

Choisir de suivre les gazelles

N’importe où, sur tous les terrains.

 

 

Briser les chaînes des Bourgeois

Qui se croient libres dans leurs prisons

Sans âme, sans couleur, sans passion.

Ces valets qui se prennent pour rois….

 

Le chemin sera encore long

 

Devenir plus vieux a un aspect très positif tant on est encore une enfant ou un jeune adulte car cette évolution ouvre de nouvelles perspectives et correspond par là à une période rassurante, GRANDIR ! À cet âge, les éventuelles blessures surtout physiques ont un caractère généralement passager, elles guérissent rapidement sans laisser des traces. La personne touchée va même les oublier.

 

Tout change le jour quand le constat d’être vieux s’installe. La vue baisse, le souffle devient plus court et la raideur matinale nous rappelle les excès de notre jeunesse. Tous ces symptômes n’ont malheureusement que peu de chance de disparaître, ils ne vont même plus jamais nous lâcher et infailliblement s’aggraver avec le temps.

 

Si certaines personnes sont déjà vieilles avant l’âge, d’autres ont la chance de passer encore pour un bout de chemin entre les gouttes grâce à une plus solide constitution ou grâce à une hygiène de vie plus appropriée. Tôt ou tard, nous nous approchons tous au terme de notre existence. Le sentiment d’être vieux peut s’installer pour les uns brusquement, plus sournoisement pour d’autres. Ce tournant peut se manifester au moment de la retraite par crainte de n’être plus personne ; une vie sociale riche risque dès lors se transformer en un grand vide. Les multiples petits handicaps qui se sont accumulés  deviennent plus difficiles à surmonter et demandent chaque jour plus d’efforts. C’est le moment de faire ses directives anticipées si elles ne sont pas encore rédigées et de  s’occuper de son testament et pourquoi pas de s’inscrire à une Association EXIT !

 

Toutes ces réflexions sont dominées par la préparation à une évolution qui pourrait nous échapper et nous empêcher de prendre les bonnes décisions. La perte de discernement peut s’installer lentement, mais pire si cet état nous touche brusquement. Dès cet instant, on n’est plus maître de son destin ! Une telle évolution s’avère fréquente à l’approche du grand âge, dès 80 ans. Personne n’est à l’abri d’un tel processus.

 

Quelles sont les alternatives ?

En Suisse, seulement une personne sur 4 meurt subitement, sans intervention médicale, mais l’autre trois quarts de la population n’a pas la chance de mourir de cette façon aigue et inattendue.

Une majeure partie de nos congénères préfèrent le cas échéant la route principale qui passera par une dépendance croissante dans un environnement sécurisé qui se terminera par le séjour ultime dans un EMS, sinon à l’hôpital.  Malheureusement, malgré les récents renforcements du droit de l’adulte, cette personne sera exposée à une médecine qui a encore toute la peine de suivre les directives anticipées et qui va imposer le « meilleur traitement » jusqu’au bout.

 

Pour éviter ce qui précède, il s’offre aujourd’hui seule la décision de partir avant une telle catastrophe. Comment « partir » ? Par un suicide assisté avec l’aide d’une Association EXIT. Et encore, la demande doit venir d’une personne suffisamment âgée qui souffre, au moins, de polypathologies invalidantes pour accéder à cette porte de sortie.

 

Voici, dans quelle direction les conditions devraient évoluer :

 

Dans un premier temps, il faut parvenir à renforcer la valeur des directives anticipées qui ne sont actuellement pas suffisamment contraignantes, afin qu’elles soient équivalentes à un testament. La suite s’annonce plus délicate : pour accéder à un suicide assisté pour  une personne qui a perdu son discernement, il faudrait changer plusieurs lois et même envisager l’introduction de l’euthanasie active directe comme c’est le cas en Belgique et en Hollande. La résistance, même dans les milieux favorables, reste forte : en Hollande, parmi 2200 personnes qui ont explicitement demandé dans leurs directives anticipées l’euthanasie en cas de démence et ayant perdu leur discernement, aucune n’a obtenue sa réalisation. Une dépénalisation devrait rester très encadrée ; une surveillance étatique stricte s’avérera certainement nécessaire. 

 

Le chemin sera encore long !

 

                                                                                          Dr méd. Pierre Schaefer

                                                                                          Dr méd. Béatrice Deslarzes

 

Article publié dans le Bulletin des médecins Suisses no  2016 ; 97 (47) : 1640

 

 

Des chiffres qui peuvent étonner

 

Le Bulletin des médecins Suisses (BMS) no 42 (*) du 10.10 2016 vient de publier un article de l’Université de Zürich qui étaie les décisions médicales en fin de vie sur un échantillon de 3173 décès survenus en 2013 en Suisse alémanique. Ce résultat mérite d’être mis en relation avec le nombre de décès enregistré chez les membres de l’association EXIT Suisse romande au cours de l’année 2015. Ce qui suivra est une approximation.

 

Dans l’étude de l’Université de Zürich, on note une mort subite et inattendue sans intervention médicale dans près de 30% des cas  (28,6%). EXIT rapporte pour l’année 2015  616 décès observés chez ses  22'214 membres : 213 décès avec l’aide au suicide par l’association EXIT et 403 décès sans aide d’EXIT. Ces chiffres correspondent à 31,4%  de décès avec l’aide au suicide par EXIT sur le total de décès des membres inscrits à l’association EXIT Suisse romande en 2015.

 

Parmi les 403 autres décès observés chez les membres de l’association en 2015 on doit par analogie dénombrer un certain pourcentage de décès inattendus et sans intervention médicale. Ces personnes, membres d’ EXIT, n’ont finalement pas eu l’occasion de pouvoir choisir de se faire assister ou non pour un suicide. On peut estimer ce pourcentage à au moins 20% , estimation volontairement réduite pour respecter l’influence des aides au suicide souvent très tardives et sans longue appartenance à l’association EXIT.

 

En prenant en considération ces 20% hypothétiques de décès inattendu (80 décès), le chiffre des 403 décès sans aide d’EXIT se réduit à 323 décès. Il en résulte un choix de l’aide au suicide approchant les 40% (39.8%). Ceci signifie que 4 membres d’EXIT sur 10 choisissent de mourir avec l’aide au suicide assurée par l’association !

 

Ce dernier chiffre doit être vu en relation avec les 1.6% de Suisses qui ont opté de se faire assister pour leur suicide par une des associations EXIT sur le total de décès survenus en 2013 selon l’étude mentionnée plus haut (*).  En 2001 ce taux était encore à 0,4%.

 

Pour vérifier cette affirmation des 40%, il faudrait reprendre les 403 décès sans aide au suicide parmi les membres d’EXIT décédés en 2015  pour pouvoir préciser dans ce collectif le nombre de décès inopinés, sans aucune intervention médicale...

 

 

(*)  Medizinische Entscheidungen am Lebensende sind häufig. BMS –

      Suisse Medical Forum  2016 ; 16 (42) : 887- 895

 

 

Pierre Schaefer novembre 2016

 

 

Sur la frontière entre la vie et la mort - quelques réflexions

 

Dans le contexte de mon site www.schaefer-surlafrontière.ch, je continue à explorer d’autres situations « frontières ». Guidé par un souvenir d’une fin de vie particulièrement difficile d’une de mes patientes, je cherche à comprendre mon attitude de jeune médecin face à cette phase terminale de la vie et de m’interroger sur mon évolution dans ce domaine et à celle de la médecine plus globalement. Il s’agit de la bienveillance qui fait partie de la gouvernance de tout médecin, une qualité qui s’acquiert au cours de la formation, pendant les études et surtout plus tard en contact avec les patients.

 

Au 21ème siècle, on meurt de plus en plus souvent à l’hôpital, de préférence hospitalisé dans un service spécialisé en médecine palliative. Dans un hôpital destiné aux soins aigus comme une clinique universitaire de gynécologie, on reste, malgré cette évolution, confronté à la mort et ceci tout particulièrement dans le contexte d’un cancer avancé. Cette frontière entre la vie et la mort reste pour beaucoup de médecins un terrain vague, où ils se sentent rapidement mal à l’aise, par manque de formation et quelques fois aussi par manque de courage.

 

 

Une expérience qui m’a marqué profondément :             

 

Mme X. était rehospitalisée une nouvelle fois depuis quelques jours pour la progression de sa récidive locale dépassée d’un cancer du col, elle a été placée peu après son admission, seule, dans une petite chambre, pas uniquement à cause de la menace d’un saignement aigu de son cancer, mais surtout à cause des fortes odeurs dégagées par la plaie.

 

Le lundi matin à l’occasion de la grande visite, le médecin-chef du service, les chef de cliniques, les assistants, les stagiaires et les infirmières de l’étage s’étaient engagés dans une longue discussion devant la porte fermée de la chambre de Mme X. Cet entretien aboutissait à la décision de rester pour le moment dans l’expectative, puis le professeur et son remplaçant entraient pour un court moment dans la chambre. À leur sortie, je recevais comme assistant responsable pour la patiente l’ordre d’inscrire sur le dossier (en rouge) les trois lettres : NPR (ne pas réanimer).

 

Le lendemain, perturbé par cette inscription NPR, j’ai évité lors de ma tournée matinale d’aller voir Mme X dans sa chambre et je décidais de lui rendre visite le soir, juste avant mon départ. Elle dormait profondément ; soulagé, je fermais la porte et je quittais l’hôpital.

 

Le jour suivant, je devais me forcer de me rendre auprès de la patiente ; ma visite se limitait à la question si elle avait mal ; elle haussait la tête et je me suis rapidement retiré. L’après-midi, je recevais un appel urgent de l’infirmière qui m’informait que Mme X saignait du vagin. Elle n’avait toujours pas de douleurs, mais je la retrouvais dans une flaque de sang. Que faire ? N’ayant pas assez d’expérience pour gérer une telle situation, j’appelais mon chef de clinique. Le dernier informait le patron, qui donnait l’ordre de faire un tamponnement vaginal.

 

En préparant la patiente en salle d’opération pour cette intervention, je remarquais que sa jambe gauche était très enflée et que l’urine passait à côté de la sonde vésicale. Le saignement paraissait important. Nous exécutions l’ordre reçu du patron. On prévoyait de laisser en place le tamponnement pendant 48h. Selon mon chef de clinique, la maladie avait de toute évidence nettement progressé.

 

L’état précaire de la patiente ne permettait pas de la transférer dans un centre de soins palliatifs et je devais continuer à assumer la responsabilité pour Mme X. Je n’arrivais toujours pas à créer une relation normale avec elle et son état continuait à me mettre mal à l’aise. Cette situation perdurait encore deux longues semaines avec plusieurs alertes : saignements, pertes des urines malgré la sonde et peu après apparaissait en plus une incontinence des selles. La patiente est décédée seule dans sa chambre…

 

Dans un premier temps, je tiens à m’interroger sur mon dilemme de jeune médecin. Mon expérience limitée après avoir passé tout juste deux ans dans un service de soins aigus ne m’avait encore jamais confronté à une pareille situation. Le cas désespéré de Mme X ne me permettait pas de créer le même contact comme je l’avais avec les autres malades ; je me sentais dépassé et, de plus, peu aidé par ma hiérarchie, elle aussi incapable d’apporter la compassion nécessaire à cette patiente. Mon inaptitude de trouver un vrai dialogue avec elle m’angoissait tous les jours un peu plus. Le décès de Mme X  était pour moi in fine plutôt un soulagement.

 

En ce qui concerne Mme X : aucun des nombreux médecins qu’elle avait vu depuis le début de sa maladie, il y a 4 ans n’avait pris le temps de discuter avec elle les différentes approches thérapeutiques à envisager. Aujourd’hui, on lui proposerait de rédiger, avec notre aide, ses directives anticipées, plus précisément, de se prononcer sur ce qu’elle attend de la médecine.  Plus grave, elle n’avait reçu aucune information sur le caractère évolutif  de sa maladie ni sur les complications à craindre. Elle gardait la confiance et espérait pouvoir se sortir de sa situation précaire.

Comme beaucoup de personnes, elle ne s’était jamais prononcée comment elle voyait la fin de sa vie, et ceci même pas quand le diagnostic de récidive locale a été posé. En Suisse, et ceci  depuis déjà quelques années, on peut aujourd’hui conseiller d’adhérer à l’association EXIT, ce qui permet le jour venu de quitter ce monde grâce à une assistance au suicide sans passer par un long et pénible cortège de complications.

 

Mme X ne recevait que peu de visites. Ses enfants avaient, il y a déjà longtemps, quitté la ville ; sa fille s’était une seule fois présentée depuis que sa mère a été réhospitalisée et elle avait beaucoup de peine de la voir dans un état aussi lamentable. Finalement, seule une voisine continuait à s’intéresser à son sort, mais on la voyait de moins en moins souvent, certainement à cause de l’évolution défavorable de la maladie qui entraînait ces désagréments nauséabonds. La patiente elle-même ne se plaignait jamais de sa solitude et restait pleinement consciente jusqu’aux derniers jours.

 

Pendant ce temps, le personnel infirmier avait beaucoup entouré Mme X malgré la pénibilité du travail  que son état de santé causait. Mais plus la maladie avançait et créait de nouvelles complications, plus les infirmières devaient se forcer pour se rendre auprès de la patiente. Leur dévouement remplaçait en partie la froideur technique et le manque de bienveillance des médecins, et moi j’en faisais partie.

 

De moins en moins de médecins vivent encore dans l’idée que la perte d’un patient correspond à un échec de la médecine. La nouvelle génération reçoit une formation  dans le domaine de l’accompagnement et elle apprend à approcher ces situations difficiles au-delà du simple recours à des gestes médicaux « héroïques » ou à des drogues induisant une sédation profonde. Faisant partie de la vieille garde, mon évolution vers plus de liberté dans mon engagement personnel en fin de vie se faisait relativement tôt, surtout grâce aux discussions avec ma femme, qui, elle aussi médecin, militait déjà très tôt dans l’Association pour le droit de mourir dans la dignité.

 

Des situations comme décrites plus haut se produiront encore, mais la nouvelle génération de médecins va se sentir prête, grâce à leur formation, à entrer en contact avec les patients en fin de vie, d’humain à humain, et elle dispose des connaissances nécessaires pour les accompagner. Certains vont les rendre attentifs, et l’on peut espérer, de plus en plus fréquemment, sur la solution offerte par l’association EXIT, particulièrement face à une souffrance aussi pénible et prévue d’être longue comme celle de Mme X.

 

Si la bienveillance m’avait fait défaut pour trouver une relation adéquate avec Mme X, j’ai assez rapidement après cette mésaventure saisi son importance et sa profonde valeur. Cet apprentissage (difficile) fait partie de notre devenir médecin.

 

La bienveillance – le mot clé pour décrire mon malaise

 

En Suisse, plus de sept personnes sur dix approuvent (ou ont la conviction) que l’être humain est un être responsable de soi, et que cette responsabilité s’étend jusqu’à la mort. Mais les points de vue restent très éloignés l’un de l’autre et reflètent cette diversité qui existe dans notre société. Cette attitude ambivalente se confirme dans une récente étude réalisée auprès de médecins suisses en 2014 : 78% des médecins ayant répondu considèrent que l’aide au suicide en fin de vie est fondamentalement défendable mais moins de la moitié seraient disposés à fournir eux-mêmes l’ordonnance pour le médicament létal.

 

Tout récemment, on pouvait lire dans un article du Bulletin des médecins suisses ( no 24, du 10.06.2015) du Prof. G.D. Borasio, où l’auteur se mobilise en faveur « d’une loi prévoyant qu’avant toute assistance au suicide devrait avoir lieu une consultation de médecins qualifiés ce qui constituerait une étape importante et redonnerait sa place juste au principe de la bienveillance qui a été négligé jusqu’à présent. Les associations comme  EXIT ne peuvent pas couvrir l’aspect de la bienveillance ; elles n’ont ni le mandat ni les compétences. » Et il insiste, que la bienveillance doit recevoir enfin la reconnaissance législative qui « lui est due ». 

 

Voici ma réponse par Courrier au BMS à l’article de G.D.Borasio « Point de vue médical sur le suicide assisté – la bienveillance négligée. »

 

De tout médecin Suisse, on peut attendre qu’il reçoive son patient dans la bienveillance (bienveillance : définition selon Wikipédia : c’est la disposition affective d’une volonté qui vise le bien et le bonheur d’autrui). Elle comporte en cas d’accompagnement vers un suicide assisté d’écouter son patient, de le comprendre et de l’aider à parvenir à une décision claire et réfléchie, et ceci surtout dans le respect de son choix. Le médecin s’assure en particulier que le patient exprime sa volonté en dehors de toute pression extérieure.

 

L’élargissement de l’assistance au suicide aux vieillards souffrant de polypathologies du grand âge est une décision récente des deux associations Suisses pour l’aide au suicide. L’article de G.D.Borasio évoque que cet élargissement pourrait générer des conséquences négatives.

Si un jour la nouvelle loi, comme proposée dans l’article, devait stipulé que le médecin de premier recours, soit-il généraliste, interniste ou chirurgien qui connaît son patient souvent de longue date, soit tenu de céder sa place à un spécialiste de la « bienveillance », à un gériatre, un psychogériatre  ou spécialiste en médecine palliative, priverait tout « médecin non-spécialiste »  de continuer d’assurer la responsabilité jusqu’à la fin de vie de son patient. Une telle décision le déclasserait clairement dans une catégorie inférieure par rapport aux spécialistes mentionnés. Par contre, rien ne l’empêche de faire appel au spécialiste s’il lui reste un doute sur le désir profond de son patient. 

 

Plus on avance dans le grand âge, plus le risque grandit de devoir terminer sa vie en souffrant de l’une ou l’autre forme de dépendance chronique, physique et surtout psychique. Cette dernière est étroitement liée à une augmentation du risque de perdre son discernement ce qui équivaut à perdre définitivement sa liberté de choix. Si les progrès de la médecine ont ajouté « de la vie aux années », beaucoup de personnes âgées se sentent exposées au risque de devoir ajouter des années à une vie au cours desquelles elles seront menacées de perdre définitivement la maîtrise ou qui leurs n’apporteront qu’un surplus de souffrances. Si l’Etat doit jouer dans ce processus un rôle, on lui demandera de garantir le respect du choix de chaque citoyen, jeune, âgé ou très âgé, ce qui pourrait se concrétiser par un renforcement de la valeur des directives anticipées, à comparer à la valeur d’un testament, surtout en cas de perte de discernement.

P.Sch. 16.06.2015

 

 

Bienveillance – empathie

 

La bienveillance permet à la fois d’installer la relation, de mettre en interaction les personnes et de ne pas impliquer dans une charge émotionnelle les différents acteurs. Elle permet aussi de rester maître de notre libre arbitre. « Je réalise une relation dans laquelle chacun peut se retrouver. Je veille à ton bien, je garde mes distances, je n’entre pas dans ton univers. »

 

L’empathie : cette compréhension se produit par un décentrement de la personne et peut mener à des actions liées à la survie du sujet visé et parfois même au détriment des intérêts du sujet ressentant l’empathie, à comparer à la compassion, « souffrir avec ». Elle ne devrait pas avoir sa place dans la relation médecin – patient, car il est difficilement concevable de l’utiliser dans cette relation sans dommage.

 

Olga Klimecki, UNIGE : « Comment peut-on se mettre en relation avec la souffrance des autres, sans se mettre soi-même en situation de détresse ? L’empathie fonctionne comme un simple miroir des émotions d’autrui. La compassion implique un sentiment de bienveillance, avec la volonté d’aider la personne qui souffre. Être trop empathique vis-à-vis de la détresse d’autrui peut conduire à des réactions similaires à un « burn-out », ce qu’on appelle la fatigue empathique. »

 

 

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